La Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme a proposé jeudi 10 décembre « une réflexion théologique » sur plusieurs questions sensibles.
« Chrétiens et juifs sont irrévocablement interdépendants les uns des autres ». « Le dialogue entre eux n’est pas seulement un choix mais un devoir, en particulier au niveau théologique » : cinquante ans après le concile Vatican II, Rome propose « une réflexion théologique sur les rapports entre catholiques et juifs ».
Un texte d’une douzaine de pages a été publié jeudi 10 décembre. Intitulé « Les dons et l’appel de dieu sont irrévocables (Rm 11, 29) », il est le fruit de deux ans et demi d’intense travail de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme, en partenariat avec la Congrégation pour la doctrine de la foi.
« DIALOGUE’INTRA-RELIGIEUX’ OU ’INTRAFAMILIAL’ »
Le projet remonte même à 2005, a expliqué lors de la conférence de presse, le P. Norbert Hoffman, secrétaire de la commission, alors qu’était célébré le quarantième anniversaire de la déclaration conciliaire Nostra aetate, dont l’article 4 « inscrit les rapports entre l’Église catholique et le peuple juif dans un nouveau cadre théologique ». Pour diverses raisons, le travail s’est poursuivi pour aboutir finalement cette année.
Ni « document magistériel » ni « enseignement doctrinal » est-il précisé dans la préface, le texte se veut un « instrument » pour de futures discussions. C’est « un objectif important pour le pape François », a souligné le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, dont dépend la commission pour les relations avec le judaïsme.
Du point de vue théologique, le dialogue avec le judaïsme « a un caractère entièrement différent et se situe à un tout autre niveau que celui avec les autres religions mondiales », rappelle le texte. « La foi des juifs attestée dans la Bible (...) n’est pas pour les chrétiens une autre religion mais le fondement de leur propre foi ». Le document juge préférable de parler d’un « dialogue ’intra-religieux’ ou ’intrafamilial’ ».
LE RAPPORT SPÉCIAL ENTRE ANCIEN ET NOUVEAU TESTAMENT
Une autre partie importante porte sur le rapport spécial entre Ancien et Nouveau Testament, entre Ancienne et Nouvelle Alliance : « L’Église ne remplace pas le peuple de Dieu d’Israël », est-il souligné. Ou encore : « La Nouvelle Alliance ne révoque pas les alliances antérieures, mais les porte à leur accomplissement. Avec l’avènement du Christ, les chrétiens ont compris que tout ce qui s’était passé auparavant demandait à être réinterprété ».
Autre question théologique fondamentale, le salut : comment concilier en effet la conviction que « le fait que les juifs prennent part au salut de Dieu est indiscutable », et en même temps la profession de foi chrétienne selon laquelle « il ne peut y avoir qu’une seule voie menant au salut », le Christ ? Ceci « demeure un mystère divin insondable », confessent les responsables de la commission pour les relations avec le judaïsme.
LES « QUESTIONS ÉPINEUSES »
Dans sa dernière partie, le texte en vient à aborder des « questions épineuses », selon les mots du cardinal Koch. La « notion de ’mission aux juifs’ » est de celles-là, tant « à leurs yeux, elle touche à l’existence même du peuple juif ».
Tout en rappelant que « l’Église catholique ne conduit et ne promeut aucune action missionnaire institutionnelle spécifique en direction des juifs », le document appelle les chrétiens à « rendre témoignage de leur foi, avec humilité et délicatesse, en reconnaissant que les juifs dépositaires de la Parole de Dieu » et sans jamais cesser d’avoir « à l’esprit l’immense tragédie de la Shoah ».
Interrogé à ce sujet par les journalistes, le cardinal Koch a reconnu par ailleurs que la prière du Vendredi saint prévue par le rituel extraordinaire est « mal perçue par les juifs » et il a conseillé d’utiliser celle du rite ordinaire, « qui n’engendre pas de malentendu »... Dans le texte, l’Église rappelle également que, « dans le dialogue judéo-chrétien, une grande attention est donnée à la situation des communautés chrétiennes présentes dans l’État d’Israël ».
Source: Charles de Pechpeyrou (La Croix)